La question de l'intrusion, de la non-intrusion en marketing direct et relationnel a été largement évoquée, et techniquement les choses sont claires : opt-in/opt-out pour les emails, zone "spam" bien définie, notion d'envahissement de boîtes aux lettres très claire elle aussi, comme sur le web l'intrusion des pop up, voiles sans bouton "fermer" ou autres joyeusetés. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait jamais transgression, mais on sait quand c'en est une. C'est relativement simple.
En revanche dans le discours même c'est plus compliqué. A partir de quel moment "viole"-t-on le domaine intime de son prospect ou client ? Par exemple si j'écris une lettre destinée à une cible senior pour convaincre des mérites de la TV numérique, l'évocation du partage des programmes en famille est un argument fort. Mais la question est de l'amener sans me permettre de sembler présupposer quoi que ce soit sur la vie familiale de qui à qui j'écris. Si je dis par exemple "Disney Channel fera la joie de vos petits-enfants", ce qui paraît a priori tout vrai et naturel, je risque en fait de soulever un frein plus ou moins conscient du type : "mais de quel droit Telle Marque me parle-t-elle de mes petits-enfants ? (s.e. : on se permet de me dire que l'on sait des choses sur mon statut familial/personnel) " ou pire de convoquer un constat tel que "je suis seul(e), mes enfants et petits-enfants sont loin/ne viennent jamais me voir".
Pas d'entrée directe dans le domaine privé donc, pas de topoï supposés acquis : le risque de mise en retrait du lecteur est certes nuancé, mais bien réel.
Dans la même veine, le souhait d'anniversaire, cadeau ou offre spéciale à la clé, me met mal à l'aise : certes, Madame XXX m'a donné sa date anniversaire, elle sait que je lui ai promis un cadeau, moi qui parle pour Tel Cosmétique. Mais, tout en acceptant ce cadeau, voire en étant contente de recevoir quelque chose de gratuit, son capital d'estime et de confiance pour la marque augmente-t-il ? Je passe de l'autre côté du miroir : Tel Cosmétique est-il légitime à me souhaiter bon anniversaire ? Il y a glissement vers le domaine privé. Glissement d'autant plus "dangereux" que l'assentiment est donné pour le "truc gratuit", mais pas forcément pour l'entrée dans la vie personnelle. "Je" n'avais pas consenti à cela.
"Teste-toi toi même" : que ressentez-vous lorsque vous recevez un emailing ou un mailing qui vous parle de vous, i.e. de votre moi intime et non de votre moi client ? Mon pari est que, dans le meilleur des cas ce type de discours n'optimise pas votre relation avec la marque, et qu'au pire d'invisibles freins commencent à apparaître. Parle-moi de moi, mais pas à n'importe lequel. Le rédac n'a plus qu'à retrouver le bon.
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