Hors champ aujourd'hui. De ce blog, que je comptais dédier plus ou moins à mes histoires de concepteur-rédacteur, mais aussi de la discussion autour de la révocation de Garfieldd, dans laquelle j'ai envie d'entrer, un peu, de biais, de façon annexe. Garfieldd, le proviseur blogueur révoqué. L'essentiel a été dit sur le sujet, et vous le lirez chez Kozlika, Eolas, Embruns, pour ne citer qu'eux. Ne pas manquer de visiter les liens stockés chez Embruns. Voir les vestiges du blog incriminé, aussi.
Ce qui me vient à l'esprit est un peu d'un autre ordre. Cette histoire est bien une histoire pornographique. La pornographie, c'est d'avoir crashé la vie professionnelle et sociale de quelqu'un sur la base d'un préjugé homophobe en toile de fond, du voyeurisme de la délation qui a tout déclenché. C'est d'avoir à travers la "justification" hypocrite de la décision construit une image caricaturée de cet homme, de l'avoir ramené à la représentation sexuelle condamnée par le préjugé social du milieu officiel. A été évoqué en paravent le devoir de réserve. Réserve par rapport à quoi ? Gros non-dit. Mais pas moins évident. Garfieldd a été "outé", révoqué parce qu'identifié dans son "extimité" non-conforme : hors cadre des attentes implicites de conformité de la fonction. Il y a là une silencieuse et insidieuse violence : pas moins assourdissante. Les décisionnaires auraient beau jeu de se défendre d'homophobie : facile, le reproche n'a pas été explicité. Mais quel employeur avoue-t-il virer une femme, un homo, refuser un noir "parce que justement" ? Quel blagueur grossier reconnaît-il les contenus sexistes, racistes ou homophobes de ses vannes ? Cette pornographie, qui réside dans la disqualification insidieuse dans l'intime et dans la réduction à rien de cibles faciles et désignées, traverse notre société toute entière. Le performatif du ministère sonne comme ces obscènes plaisanteries qui s'appuient sur un préjugé sous-jacent fonctionnant comme un topos, c'est-à-dire en l'occurrence sur la sémantique collective du bouc émissaire.
Alors ? A la prochaine blague sur les blondes, au lieu de rire, pensez à ce que ça veut dire par dessous. A la prochaine rigolade sur le thème de "c'est pas pour les pédés", demandez-vous jusqu'où ça peut aller, ces trucs-là. C'est au quotidien, dans les détails de nos actes de langages, que commence le refus de la ségrégation. Je n'ai pas le pouvoir de défaire ce que l'Education Nationale vient de faire à cet homme. Mais j'ai celui de ne pas laisser d'éventuels interlocuteurs cibler leurs garfieldds. Ce pouvoir, nous l'avons tous.
Autre piste de réflexion : les méandres de l'extime. Mais c'est vraiment hors-hors-champ.
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