Les noms de produits sont un peu comme les noms de pays dans La Recherche : ils fonctionnent comme des évocations polysensorielles, des métonymies. Le temps les patine, et parfois, ils restent, même quand le produit a disparu. Tout le monde (ou presque) connaît Stradivarius ; il en reste fort peu, la survie est sémantique. Parfois le nom descend dans l'usage courant, autonome, détaché de son produit, nourri de sa substance : kleenex, frigo, bic. La marque s'est fondue dans le paysage de l'usage. La DS aura eu un destin plus glamour, comme ces stars que le temps a emportées et dont il ne nous reste plus que les images rêvées, mais dont le seul nom fait surgir une aura inoubliée, convoque une époque et des souvenirs de notre vie. Mon oncle, quand j'étais petite, avait une DS. Elle avait quelque chose qui en faisait beaucoup plus qu'une voiture, et déjà à nos yeux d'enfants cela était une évidence. Nous voulions tous monter dans la DS. Nous ne savions pas ce qu'était une marque, un produit. Je crois que nous subissions, avec ravissement, la force de séduction du son de son nom, puis en écho, de ses formes, de ses lignes, elle nous faisait faire bien plus que de la route : des voyages. Force d'image plutôt que force d'usage, déjà. Est-ce que l'on sait, quand on invente ou que l'on fabrique le nom, quand on le teste, ce qu'il deviendra dans l'histoire de chacun ? Quels noms d'aujourd'hui portent la poésie, l'envie, le caractère d'un produit ? peu. Ou plutôt tellement que cela revient à peu. Car les noms foisonnent, et peu émergent de nos conversations de consommateurs. Encore moins resteront, sans doute. Mais parfois, au fil d'une flânerie ou d'un benchmark, j'en vois éclore, jolis, pas comme les autres, pas forcément très connus, surgis plutôt que réfléchis peut-être... Suzanne Aux Bains, Doux Me, Rouge de Fête, Kabuki... qui dépassent la pure fonction pour aller, avec douceur, vers une poésie du quotidien fiction.
Suggestions de lectures nostalgiques : La Nouvelle Citroen, Mythologies, Roland Barthes. Les Objets du Siècle, Hors-Série de Libération de décembre 1999.
edit 24.01 Je n'aurais pas cru pouvoir tomber sur celui-ci : Sushi Flower. Pour une ombre à paupière. Une fraîcheur délicate et surprenante.
sdd
dsd
Jetés brefs :
>étincelante envergure, héroïsme tranché, chevaleresque leadership de Arcelor
>Potentiel féérique de Mégane, qui convoque "mega" et "Morgane".
> Ludique clin d'oeil de Clio.
> la différence entre nom de marque et nom de produit semble si évidente, tout le monde sait qu'une marque et un produit ne sont pas la même chose. Je cherche à exprimer la différence vs le registre de dénomination. Cette différence est-elle toujours lisible dans le nom ?
> to do : nom et pouvoir de persuasion, chercher tout ce à quoi ça tient.
contributions bienvenues.
Joli post, Flo.
Des produits aujourd'hui aux noms bien trop cuits, collant si peu à votre palais délicat.
Il est vrai qu'ils étaient bien meilleurs crus. Dans leur simplicité enfantine. Question de croyance sans doute.
Et pourtant, aussi bon cuit que cru, qui l'eût cru ?
[sourire complice]
Rédigé par : j. | 23.01.2006 à 23:28
Très joli commentaire, Monsieur J.
Rédigé par : flo | 24.01.2006 à 21:59
voici un lien vers deux noms de produits au japon, ça devrait t'amuserhttp://jemedebat.hautetfort.com/trackback/321035
Rédigé par : gmc | 30.01.2006 à 20:53
oui, vu... alala les aléas de la langue... J'avoue m'être au moins autant amusée avec Agent Provocateur. :)
Rédigé par : flo | 05.02.2006 à 16:46