Regardez ces deux images :
La première est une annonce presse pour Olay, crème anti-âge ciblée féminin (oct 06), la deuxième un des deux visuels clé pour Perfect Touch (fond de teint coll. automne-hiver 06 YSL). A part ça, deux graphismes, deux segments et deux choix de communication qui n'ont rien en commun. Sauf une chose, un "sème" : l'association, la fusion des notions de féminin et d'enfance (appelons ce sème "jeunesse féminine", ou "babyface" tiens), le "pont sémantique" étant assuré par la notion de jeunesse. Ce pont, ce lien, semble une évidence : quoi de plus simple pour signifier la jeunesse que la représentation de l'enfance ? Pourtant, je trouve qu'il n'y a au fond rien d'évident dans la constitution de ce sème "babyface", et qu'il est même très curieux. En tout cas très curieux à observer. Il entraîne avec lui des notions qui sont totalement opposées, et qu'il tente de faire cohabiter : enfant/adulte, innocence/séduction, sexualité irreprésentable/sexualité représentable -par exemple. En creusant un peu, on pourrait trouver d'autres couples antagonistes, mais il me semble à l'instant que ce sont les principaux.
Si on compare les deux images, on voit que les notions émergentes ne sont pas les mêmes : la première tire vers le pôle "enfantin", la deuxième tire vers le pôle "féminin". La dynamique bipolaire est présente dans les deux. Aucune ne pousse à l'extrême de son pôle propre : Olay conserve l'univers adulte, YSL évite de peu la sexualisation, en enrobant la phase séduction dans une phase innocence. Chacune des deux émulsions sémantiques est le résultat d'une formulation dosée pour une tolérance maximale.
Car le risque d'intolérance est réel, et le seuil est vite franchi : quand les représentations enfantines frôlent le sexuel, notre seuil personnel est atteint. Quand l'adulte féminin est ramené à la représentation enfantine donc à une forme de subordination et de fragilisation (la fameuse "femme-enfant"), il y a intrusion idéologique. Dans les deux cas, il y a distorsion de la notion de "féminin" (et par contrecoup perception altérée d'enfance, car la sexualisation sur le mode adulte de l'enfant est un "intolérable" culturel). Et quelque chose qui est vécu comme une offense, voire une violence.
En l'occurrence, je trouve que le compromis est plutôt réussi. Encore que. C'est discutable. Question de sensibilité personnelle. On peut trouver que "mom" est un peu trop mineure et dominée dans le groupe familial ; que la jeune femme au teint originel sort de trop peu de l'enfance. De l'enfantin au féminin, on ne passe pas facilement. Les deux représentations sont élastiques, polymorphes. C'est peut-être un point commun qui permet le voisinage.
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