Ce billet que vous allez lire ne ressemble en rien à ce que je vous écris d'habitude, pour bien des raisons dont vous ne connaîtrez qu'une : parce que je ne vous dirai pas de quoi j'y parle. Je le voudrais bien pourtant. Mais je ne peux pas, et comme l'écrivait Valmont à Madame de Tourvel, ce n'est ma faute. Les Liaisons Dangereuses n'ont jamais été chantées : nul opéra, c'est bien dommage. J'y aurais sans doute puisé bien des airs préférés, j'aurais chanté, faux certes, mais chanté quand même en secret en silence, les paroles qui me seraient rentrés sous la peau -car l'opéra, ça passe dans la peau, ensuite seulement, mais à peine "ensuite", en même temps et dans un temps parallèle au creux du même instant, les oreilles s'imprègnent de ses couleurs. Et qu'on ne vienne pas me dire que je déraille, comme je l'ai déjà précisé ce n'est pas ma faute. Tant pis pour les Liaisons, j'ai d'autres airs à marmonner secrètement, puisque c'est un peu de cela qu'il s'agit, et justement j'en ai un en tête, qui fera aisément office de, vous ne pourrez comprendre pourquoi, à moins que je ne laisse quelques indices, ce que je vais peut-être faire, ou peut-être pas, à moins encore que vous n'ayez un peu de chance, et le premier indice (mais qui n'en est peut-être pas un) serait alors l'envie que j'ai, de faire une digression sur le rôle de la chance dans nos vies, mais que je ne ferai pas. Je pourrais cependant : mon aria, celle qui préfère me hanter, démarre sur un coup du sort devant la Royal Court. Elle est italienne, grave et mesurée, la voix développe un air qui s'enroule et revient, avec de petites touches au piano pour l'accompagner tout doucement, lui répondre, prendre les devants parfois, servir de ponctuation à cette petite phrase qui va droit au coeur, dont on ne peut détacher ni les yeux ni les oreilles, tant elle est émouvante et jolie, tant elle remue de sentiments, d'espoirs, de désespoirs aussi. Elle n'est pourtant pas "grandiose" si on veut, elle se retient, elle ne fait pas d'exagérations. Elle est toute simple. Elle est toute brève, finit trop tôt, elle vient mourir comme un souffle sur les lèvres de son chanteur. Juste avant elle, il y a cette fille qui dit "oh, I'm just having a nervous breakdown", parce qu'on lui a demandé ""where are you going ?". Au moment où le piano pose sa denière note, la fille dira "I blew that" : la faute à pas de chance. Quel dommage que je ne puisse vous dire son nom, mais moi non plus, ce n'est pas ma faute. Pas ma faute non plus si, non contente de vous parler pour ne rien vous révéler, je vous refile la patate chaude et vous appelle à nous parler de votre chanson préférée, sans en révéler son nom. Oui, vous, si cela vous fait plaisir de participer, et en particulier Henri, Damien, Laurent, Contessa, Leafar.